Journée mondiale des sols - 5 décembre 2023 | « Les sols et l’eau, sources de vie »

Journée mondiale des sols - 5 décembre 2023 | « Les sols et l’eau, sources de vie »

Malak Chalbi

Malak Chalbi
Ingénieur en GRN, spécialisée en gestion de la faune sauvage,
Observatoire du Sahara et du Sahel

Journée mondiale des sols… de l’eau, ou encore de la vie... quelle est la différence au final ? Certes, ce ne sont pas des synonymes à proprement parler mais ce sont des éléments interdépendants et interconnectés qui s’unissent. C’est pourquoi le thème de la Journée « les sols et l’eau, sources de vie » est si bien choisi. 

C’est évident, le sol est le support physique de la vie, l'eau est un élément essentiel à la vie, et la vie est l'ensemble des phénomènes qui caractérisent les êtres vivants. Mais voyons ça de plus près…

Plusieurs questions peuvent se poser… Quelle est l’importance du sol et de l’eau pour le maintien de la vie sur Terre ? Quelle est la relation entre le sol et l’eau pour parvenir à des systèmes agroalimentaires durables ?

D’abord, il ne s'agit pas seulement de ce que le sol apporte à l’Homme. 

Il est important de valoriser et de protéger le sol pour de nombreuses autres raisons. Les sols abritent un nombre considérable d’espèces végétales et animales couvrant plusieurs échelles de taille. Dans un seul gramme de sol, on trouve jusqu'à 50 000 espèces de micro-organismes. Eh oui, la biodiversité sous terre est supérieure à celle qui se trouve en surface. Un sol sain est aussi une réserve de carbone très précieuse qui capture le carbone et l'enferme sous des formes stables. Il régule l’atmosphère et incarne le rôle de filtre naturel qui purifie et stocke l’eau qui s’infiltre. Pour couper court, le sol est la base de la vie pour tous les êtres vivants.

Depuis la nuit des temps, l’être humain se sédentarise près des sols plus facilement cultivables. En effet, le sol et l'eau sont à l’origine des écosystèmes mais aussi de la production alimentaire mondiale, de la qualité des nutriments et de leur disponibilité. 95 % de nos aliments sont produits grâce à nos sols. Un mètre cube de sol sain peut retenir plus de 250 litres d'eau. Le sol et l'eau sont donc les supports dans lesquels les plantes se développent. La plupart des éléments essentiels aux plantes pour pousser correctement et avoir des tissus riches en nutriments, proviennent du sol. Tout cela permet aux populations de faire pousser la nourriture dont elles dépendent. En plus, les sols interviennent dans le cycle de l'eau. La capacité des sols à stocker de l’eau et à la restituer est fondamentale d’une part, pour alimenter les plantes (eau verte) et d’autre part, pour la recharge des nappes phréatiques et des cours d’eau (eau bleue). 

Nous l’avons compris, le sol et l’eau fournissent aux écosystèmes et aux sociétés une grande diversité de services et notamment, les matières premières capitales pour toutes nos activités. Malheureusement, ces ressources sont limitées et s’épuisent.

D'ici à 2030, les personnes les plus vulnérables souffriront d'une baisse globale de la production alimentaire due à des mauvaises récoltes plus fréquentes et de la dégradation de près d'un milliard d'hectares de terres. 

Du côté de l’Afrique, la dégradation des sols compte de nos jours parmi les plus sévères menaces et est causée principalement par l'agriculture, le surpâturage, la déforestation, l'exploitation minière, l'industrialisation, les infrastructures, l'urbanisation et la pollution, en addition aux facteurs naturels.  

Les populations africaines sont lourdement tributaires des ressources naturelles et ont l’agriculture comme moyen de subsistance principal. La pauvreté et les conditions socio-économiques difficiles font davantage ressortir cet aspect. Par effet domino, une forte pression est exercée sur les sols et l’exploitation non durable des ressources naturelles sans tenir compte de la capacité de résilience est de plus en plus marquée. En effet, on dit que 65 % des terres productives du continent africain sont dégradées. La dégradation touche plus de 30% des terres cultivables dans la région du Sahel et ce, en raison de l'expansion et de l'intensification de l'agriculture dans le but de nourrir la population croissante. 

Une gestion intégrée du sol et de l'eau est la clé de leur durabilité. De plus, la mise en œuvre de pratiques de gestion durable des sols améliore la qualité et la quantité de l'eau pour l'agriculture ainsi que la biodiversité et la fertilité des sols. Plus exactement, la gestion durable des sols est essentielle pour réduire l'érosion et le compactage qui perturbent la capacité du sol à stocker, drainer et filtrer l'eau, mais aussi exacerbent le risque d'inondation, de glissement de terrain, de tempête de sable et de poussière, de sécheresses, etc.

La conservation des sols et de l’eau augmente ainsi la capacité des terres à résister aux phénomènes climatiques extrêmes et contribue à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique. Si on veut creuser plus, les sols représentent des réserves d'eau pour les plantes ainsi que pour les échanges avec l'atmosphère. La caractérisation du réservoir en eau accessible à la plante, appelé « réserve utile en eau du sol », est déterminante pour mieux connaître les interactions entre les cultures et leur environnement, optimiser la gestion de l'eau par l'irrigation et adapter le choix des cultures. Préserver ces réserves facilite l'adaptation des cultures à une évaporation accrue, réduisant la nécessité d'irrigation et atténuant les hausses de température grâce à l'évapotranspiration. D’ailleurs, la lutte contre les îlots de chaleur urbains demande la création ou la conservation des espaces verts, et donc des sols.

Tout ce qui a précédé met en évidence la nécessité de renforcer les synergies entre les trois conventions de Rio pour atteindre les objectifs et notamment, améliorer la santé des sols. Entre une 21ème session du Comité de révision de la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification (CRIC21), qui s'est tenue récemment, et une 28ème Conférence des Parties sur les changements climatiques (COP 28) actuellement en cours, cette Journée mondiale vient mettre l’accent sur l’urgence d’unir les efforts. 

Durant le CRIC21, l’importance des savoir-faire locaux des populations autochtones, de l’engagement des communautés, de la capitalisation et du partage des connaissances ainsi que du renforcement de l’interface science-politique-société est souvent revenue sur la table. Dans le même sens, l’Observatoire du Sahara et du Sahel élabore un livre documentaire sur la dégradation et la gestion durable des terres en Afrique qui sortira prochainement. 

En plus, à l’occasion de la Journée mondiale des sols, l’ensemble de la société se mobilise en vue de responsabiliser les citoyens et de plaider en faveur d’une gestion durable des ressources en sol. De nombreux événements visant à attirer l’attention sur l'importance de sols sains sont organisés dans le monde. La convergence des différentes parties prenantes vers un objectif commun constitue un élément positif et porteur d'espoir, qui s’affirme de plus en plus.